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CÉSAR FRANCK

Le premier mouvement, l’idée mère surtout, lui coûtèrent des peines infinies à mettre sur pied ; longtemps, souvent, il recommença, effaçant nerveusement le lendemain à grands coups de gomme ce qu’il croyait définitif la veille. Il édifia même un bon tiers du premier morceau sur une idée mélodique dont il fut amené ensuite à modifier presque entièrement l’ossature ; il n’hésita point alors à barrer ce qui était déjà écrit au net et à recommencer le morceau à nouveau suivant une deuxième version dont il ne fut pas encore satisfait et qu’il détruisit aussi pour la remplacer enfin par la définitive.

À titre documentaire, et pour l’édification des jeunes auteurs qui considèrent comme immuable toute phrase sortant de leur plume, je reproduis ici les trois versions de cette idée musicale appelée à jouer dans l’œuvre un rôle si important.

C’est ainsi que Beethoven s’y reprit à cinq fois pour établir le thème (qui paraît cependant avoir coulé de source) du final de la Sonate pour piano, op. 53.

Franck n’eut point à se repentir de cette laborieuse gestation de son premier mouvement de quatuor, car c’est peut-être à ses hésitations, à ses retours sur lui-même qu’il dut de trouver la forme si spéciale de cet absolu chef-d’œuvre.