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LUDWIG VAN BEETHOVEN

siaste allegro de l’air de Léonore et le jeu de scène du chœur des prisonniers, rien ou presque rien à retenir. Musicalement parlant, le second offre plus d’intérêt. L’air de Florestan, accompagné, à la façon des airs du xviiie siècle, par un hauthois concertant (de même, celui de Léonore, au premier acte, par les trois cors), n’est qu’une suite de deux aimables lieder. Le duo de la prison, entre Léonore et Rocco, constitue une vraie sonate avec sa double exposition et son développement. Le seul morceau dramatiquement expressif est celui où la jeune femme, victorieuse de la haine de Pizarro, se jette dans les bras de son époux, amenant ainsi une explosion passionnée de la sublime phrase d’amour, jusqu’alors contenue dans une forme seulement espérante.

Mais ce qui est incomparable dans Fidelio, ce qui ranime en nous le frisson beethovénien, ce sont les morceaux d’orchestre seul. Leur puissance évocatrice nous met en présence de l’action dramatique avec bien plus de force et de vérité que les scènes chantées. C’est d’abord l’admirable introduction du deuxième acte qui nous fait assister et prendre part aux souffrances physiques et morales du malheureux prisonnier, éveillant en notre âme une émotion plus intense que ne saurait le faire l’air même de Florestan. Faut-il, à propos de ce morceau, appeler l’attention sur un détail assez curieux ? Un certain nombre de procédés d’orchestre, employés depuis par divers compositeurs pour exprimer le malheur, la fatalité, la haine, se rencontrent déjà, en toutes notes, dans cette introduction. La volute expressive, décorée par les traités de musique du vilain nom de gruppetto, et qui apparaît, avec la même