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LUDWIG VAN BEETHOVEN

hommes souffrirent, à la fin de leur vie, un destin pareil, tous deux isolés, l’homme de guerre dans une île de l’Océan, le musicien dans son art inaccessible à la masse, tous deux séparés du reste du monde, l’artiste de génie par sa terrible infirmité, comme le conquérant déchu, par la mer inexorable et la non moins inexorable Angleterre.

Parmi la quarantaine de lieder qui s’échelonnent dans cette période de la vie de Beethoven, fort peu sont dignes d’intérêt. Nous citerons seulement les Chants religieux, op. 48, sur les paroles de Gellert ; puis le Chant de la caille (Wachtelschlag), sorte d’invocation à Dieu sur le rythme du cri de l’oiseau ; dans ce lied, fort développé, aucun des six couplets ne ressemble au précédent et certaines modulations vont même plus loin que la seconde manière ; le refrain rythmique, toujours le même : « Crains Dieu, aime Dieu, loue Dieu, remercie Dieu, prie Dieu, confie-toi en Dieu », est comme un essai pour la terminaison de l’andante de la Symphonie pastorale : prière des oiseaux complétée par une prière humaine. Le Bonheur de l’amitié, op. 88, évoque déjà l’hymne d’amour qui fait le sujet de la IXe symphonie, et nous retrouvons la nature des environs de Baden dans le petit duo, Merkenstein, op. 100, écrit en 1814. Il est à remarquer, à propos des lieder, que leur production, très clairsemée pendant la période de 1801 à 1808, ne commence à devenir abondante qu’en 1809, au moment où Beethoven, abandonnant la sonate pour piano, va se livrer tout entier aux magies de l’orchestre. L’influence patriotique y est très prononcée, depuis le Chant de guerre des Autrichiens,