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LUDWIG VAN BEETHOVEN

pas même un fragment de développement qui soit établi dans une tonalité mineure ? C’est pourquoi, ce ton de fa mineur, réservé à la période d’assombrissement du paysage, jusqu’alors si plein de soleil et de gaieté, produit, chez tout esprit doué de poésie, l’inévitable serrement de cœur, l’angoissante inquiétude qui accompagne l’approche de la foudre. Mais aussi, quelle éclaircie, et comme on respire librement lorsque le bleu du ciel se montre à nouveau avec le dessin qui a précédé l’orage, dans cet ambitus de sixte dont le commencement de la symphonie nous a révélé la calme signification ! Puis un chant de berger s’élève, amenant bientôt une explosion de joie, et ces deux thèmes ne sont pas autre chose que les deux éléments, masculin et féminin, exposés dès le premier mouvement.

Nous avons intentionnellement gardé pour la fin de cette succincte analyse, l’Andante, la plus admirable expression de vraie nature qui soit ; seuls, quelques passages du Siegfried ou du Parsifal de Richard Wagner, pourraient lui être comparés. — Les chefs d’orchestre ont généralement le tort de prendre cet andante trop lentement, ce qui en altère toute l’alerte poésie ; l’auteur a cependant pris soin de l’indiquer : molto moto quasi allegretto. C’est un véritable modèle de construction en forme-sonate. Tandis que le cours du ruisseau fournit un fond mouvementé à toute la pièce, de belles mélodies s’en dégagent, expressives, et le thème féminin de l’allegro initial y reparaît seul, comme inquiet de l’absence de son compagnon. Chacune des sections du morceau est complétée par l’entrée d’une mélodie de quelques notes, pure comme une prière. C’est l’artiste qui parle, qui prie, qui aime, et qui couronne les diverses divisions de son