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LUDWIG VAN BEETHOVEN

valle de sixte (du fa au )[1], suffira à créer en nous le sentiment de calme autant par sa quasi-immobilité que par la durée de cette immobilité. En effet, l’exposition de cette mélodie bâtie sur l’intervalle de sixte se répercutera, avec des timbres différents, mais musicalement identiques, pendant cinquante-deux mesures, sans interruption… Wagner se servira plus tard d’un procédé analogue pour peindre la monotone majesté du fleuve, dans l’introduction de son Rheingold. La deuxième idée, dans ce premier mouvement de la Symphonie pastorale, est double. On dirait l’apparition, dans le paysage jusqu’ici inanimé, de deux êtres humains, l’homme et la femme, la force et la tendresse. Cette seconde idée est la base thématique de l’œuvre entière. Dans le Scherzo, l’effet de subite immobilité produit par l’air de cornemuse du musicien ambulant (le solo du hautbois, puis du cor), s’imposant à la tapageuse allégresse des paysans, est dû à la cause énoncée ci-dessus ; ici toutefois, une note exceptée, la mélodie se meut dans un intervalle de quinte.

L’orage qui interrompt la réunion villageoise n’a nulle prétention à nous effrayer. Loin de déchaîner tous les instruments de percussion connus, et, au besoin, d’en inventer de nouveaux, Beethoven se contente de l’insuffisante timbale pour décrire les roulements du tonnerre ; mais cependant, il fait mieux… A-t-on remarqué que, dans quatre morceaux, sur les cinq dont se compose la symphonie, on ne rencontre pas un passage,

  1. Dans ses Essais de technique et d’esthétique musicales, 1902, p. 380-383, M. Élie Poirée avait déjà observé le caractère pastoral de cet intervalle dans la tonalité de fa majeur, qui, par un phénomène « d’audition colorée » très plausible, lui paraissait correspondre à la couleur verte.