Page:D’Indy - Beethoven, Laurens.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
56
LUDWIG VAN BEETHOVEN

Seul, le largo de la sonate op. 10, no 3, écrit dans les premiers mois de 1798, alors que la surdité, jusque-là bénigne, commence à s’aggraver, ce largo bien plus « pathétique » que toute la sonate pathétique, nous donne, en pleine première manière, un avant-goût de ce que sera la seconde.

Mais à partir de 1801, c’est presque pas à pas que l’on pourrait reconstituer la vie de Beethoven par ses œuvres.

Nous n’entreprendrons pas cette chronologie autobiographique, nous contentant de signaler les manifestations principales des trois grands amours.

L’AMOUR DE LA FEMME

Beethoven, être éminemment pur et profondément chrétien, ne pouvait concevoir l’amour sensuel qu’à la façon des Commandements de Dieu : en mariage seulement. Il professait la plus sincère répulsion pour ceux de ses confrères qui se vantaient, à la mode du temps, de quelque relation adultère. Il blâmait sévèrement Mozart d’avoir consacré son talent à décrire les amours illicites de Don Juan ; et l’une des causes qui le décidèrent à choisir le médiocre livret de Fidelio, fut, nous l’avons vu, l’appât d’y célébrer l’amour conjugal. Dès lors, rien d’étonnant que sa vie ne nous offre aucune liaison romanesque, aucune aventure échevelée, aucun crime passionnel. Non, il n’y eut point, de ce fait, de grands événements extérieurs dans son existence. Il y eut mieux : les tourments de son âme en proie au charme féminin, la passion violemment ressentie pour des femmes qu’il ne pouvait pas épouser, la décevante