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LUDWIG VAN BEETHOVEN

an après, la gabegie devenait telle qu’on ne payait plus les fonctionnaires.

Ne valait-il pas mieux souffrir avec la patrie ?

Si Beethoven a vécu les jours d’angoisse qui précédèrent le bombardement de Vienne, si les coups de canon lui brisent le cœur et le tympan, si au moment de Wagram, « inter lacrymas et luctum », ses chères rives du Danube, son Prater et ses glacis lui apparaissent dévastés et labourés par des travaux de campagne, s’il est privé, en 1809, de son « indispensable villégiature » d’été et de ses longues et fécondes promenades sur les pentes du Kahlenberg, il a du moins la consolation d’épancher librement les accents de sa foi patriotique dans la musique d’Egmont, dans les marches militaires dédiées à l’archiduc Antoine et de célébrer, par son admirable sonate op. 81, le retour de l’archiduc Rodolphe dans la capitale, présage de la « paix dorée ».

D’ailleurs, malgré les effroyables impôts de guerre qui pèsent sur son budget, le maître semble reprendre goût à la vie. Il se compose une figure aimable ; on le voit se commander un habit, un chapeau, des chemises de batiste, un véritable trousseau. Il reparaît, « harnaché de neuf », au Prater et au cabaret à la mode de l’Homme sauvage ; il a train de maison, domestique en livrée ; et si Wegeler est surpris de lui voir réclamer, dare dare, un extrait de son acte de naissance, Zmeskall ne l’est pas moins de se voir chargé par Beethoven de l’achat d’un miroir !

Pour qui donc tous ces frais ? C’est qu’il est reçu, à la suite de son ami, le baron de Gleichenstein, dans un charmant intérieur qu’anime le rire de deux jeunes filles, Thérèse et Arma Malfatti. Cette dernière sera