Page:D’Indy - Beethoven, Laurens.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
LUDWIG VAN BEETHOVEN

Marie. » À demi paralysée depuis des années, un peu morte à ce qui n’était pas la musique, la comtesse Erdödy se transfigurait lorsqu’elle trouvait moyen de se traîner jusqu’à son piano. Beethoven avait licence de venir quand il voulait chez la grande dame hongroise, et, sous les ombrages magnifiques de Jedlersee, celle-ci avait fait bâtir en son honneur un temple rustique d’où on lançait des messages en vers « au premier-né d’Apollon, Majesté à la couronne de lauriers, etc. ». Elle était sa confidente, « son confesseur », dira-t-il plus tard. Elle allait devenir son conseil.

Vienne lui doit d’avoir conservé Beethoven.

Une série de mésaventures tombaient alors sur le pauvre musicien aigri, irrité sans motifs, disposé à voir partout des cabales. Un concert sur lequel il comptait beaucoup (22 décembre 1808), car il y présentait au public deux nouvelles merveilles, la Symphonie en ut mineur et la Pastorale, faillit provoquer son départ. Dans l’ardeur de sa mimique de chef d’orchestre, il a renversé les bougies du pupitre et manqué d’éborgner le garçon d’orchestre, à la grande liesse de l’auditoire. La première chanteuse lui fait faux bond, parce que, quelques jours avant, il a traité son fiancé « d’âne bâté » ; la seconde se choque de n’être choisie que comme doublure, une troisième perd la tête et bredouille au moment de l’exécution. Dans la salle, on grelotte de froid. Pour comble, une reprise manquée, dans la Fantaisie avec chœurs, entraîne le déraillement complet de l’orchestre et la fuite des auditeurs, alors que Beethoven, d’une voix de tonnerre, exige un da capo.

Après cela, il jugea que les Viennois méritaient une