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LUDWIG VAN BEETHOVEN

nant, car, consciemment ou non, tout élève assidu emprunte toujours, à ses débuts, les procédés de son maître.

C’est ici le lieu, — par simple devoir de justice — de rectifier une opinion parfaitement erronée, qui, établie sur un malentendu, a été propagée par un certain nombre d’historiographes et dont G. de Lenz lui-même n’est pas indemne. Il s’agit de la prétendue jalousie de Haydn qui aurait, à dessein, négligé de corriger des fautes dans les devoirs de son élève. De là à affirmer que Haydn n’apprit rien à Beethoven, et à conclure que celui-ci fut autodidacte, il n’y a qu’un pas. Les critiques susdits se sont empressés de le franchir, sans avoir l’air de se douter qu’ils se rendaient coupables à la fois d’une inexactitude et d’une calomnie.

Supposer le vieil Haydn, à ce moment au faîte de la gloire, capable d’une pareille vilenie, d’un pareil abus de confiance vis-à-vis d’un jeune disciple, c’est méconnaître entièrement son caractère et le mettre en contradiction avec les actes de toute sa vie.

De ce que Haydn laissait des fautes dans des devoirs de contrepoint[1], il ne s’ensuit nullement qu’il n’ait pas été pour le jeune garçon que lui avait adressé l’archevêque Électeur un éducateur consciencieux et perspicace. On ne doit pas perdre de vue que Haydn enseignait à Beethoven la composition ; or, si l’étude du contrepoint est nécessaire pour se faire la main et apprendre à écrire, elle n’a aucun rapport avec celle de la composition qui suppose l’élève sorti de tous les embarras

  1. Voy. les corrections de Haydn dans l’intéressant volume de Nottebohm Beethoven’s Studien, Leipzig, 1873.