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a déjà catalogué la perruque d’Haydn, comme on y voudrait enfermer le drame wagnérien, nous ne pouvons mieux conclure cette étude qu’en citant ici la belle apostrophe de M. Suarès sur le Colleone de Verocchio, citation qui peut tout aussi bien s’appliquer à la figure de Beethoven : « Il n’y a rien de commun », écrit M. Suarès[1], « entre ce héros passionné, fier, croyant, d’une grâce aiguë dans la violence, et le troupeau médiocre qui bavarde à ses pieds, ni les Barbares qui lèvent leur nez pointu en sa présence. Il est seul de son espèce. Personne ne le vaut, et il ne s’en flatte pas. Il jette par-dessus l’épaule un regard de faucon à tout ce qui l’entoure, un regard qui tournoie en cercle sur la tête de ces pauvres gens, comme l’épervier d’aplomb sur les poules. Qu’ils tournent, eux, autour de son socle, ou passent sans le voir. Lui, il a vécu et il vit ! »

Oui, certes, il vit, notre grand Beethoven. Ses chefs-d’œuvre, enfantés dans la douleur, selon la loi biblique, l’ont conduit, à travers tristesses et souffrances comme il disait lui-même, jusqu’à la possession de la joie intérieure sur cette terre, jusqu’à la Paix des âmes bienheureuses qu’il avait chantée avec tant d’amour dans son sublime Credo.

Puisse son exemple nous être profitable et le culte de son Art faire régner parmi nous la douce Paix et la féconde Charité.

27 Mars 1911.

  1. Suarès, Voyage du condottière vers Venise. É. Cornély et Cie, éd.