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LUDWIG VAN BEETHOVEN

mêmes formes musicales, réalise, au contraire, une des plus traditionnelles conditions de la vie chrétienne. Et Beethoven, écrivant au comte Dietrichstein, intendant de la musique impériale : « Il n’est pas nécessaire de suivre l’usage habituel lorsqu’il s’agit d’une sincère adoration de Dieu », ne convient-il pas lui-même que, si la Messe en ré n’est pas liturgique, elle a, du moins, été dictée par l’esprit religieux le plus indiscutable ? L’épisode à propos duquel nous venons de faire cette digression n’est donc autre chose que le vivant commentaire des paroles ; l’angoissant : « Aie pitié de nous !… de nous que les démons de la Haine assaillent de tous côtés », cède au confiant appel : « Donne la paix à notre âme ! »

Et c’est, en effet, la Paix qui s’impose à nouveau. La douce et joyeuse Paix grandit comme une plante merveilleuse, et, tout en haut de sa tige, tandis qu’au loin, les tambours battent la retraite des esprits du Mal, s’épanouit une dernière fois l’éclatante floraison des quatre mesures incomparables, qui semble exhaler vers le ciel le parfum d’action de grâces de l’âme reconnaissante. — Est-il rien de plus beau, dans toute la Musique ?… Et, pour exprimer la Paix conquise avec l’aide de Dieu peut-on imaginer plus sublime hommage d’un créateur humain à son divin Créateur ?

Au temps présent, où la mode prescrit à ceux qui sont attelés à son char une légitime adulation pour les modernes, mais aussi un injuste et systématique dénigrement des anciens maîtres, en ce commencement de siècle où l’on tente de reléguer dans la vitrine aux souvenirs l’art et la redingote de Beethoven, comme on y