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LUDWIG VAN BEETHOVEN

Seules, des œuvres comme la Grand’messe en si mineur de Bach et le Parsifal de Richard Wagner, peuvent lui être comparées. Pendant quatre années consécutives, Beethoven édifie ce prodigieux monument et « il en est comme transfiguré », au dire de ceux qui l’approchent, il vit au-dessus des contingences terrestres et il sait qu’il écrit sur un texte divin. Il s’est fait expliquer minutieusement le sens et l’accentuation des paroles latines du Saint-Sacrifice. Il est armé pour composer l’hymne sublime de prière, de gloire, d’amour et de paix, auquel il donne pour exergue : « Sortie du cœur, qu’elle aille au cœur. »

Doit-on regarder la Messe solennelle comme de la musique liturgique ? Répondons hardiment : non. Cet art admirable ne serait sûrement pas à sa place à l’église. Hors de proportions avec les cérémonies de l’office divin, la Missa solemnis exige l’emploi d’un orchestre considérable peu propre à sonner de façon convenable dans un lieu de prière.

Musique liturgique, non… mais musique religieuse au premier chef, et, de plus, musique essentiellement catholique. — Nous sommes bien éloignés de suspecter la bonne foi de ceux des historiens de Beethoven qui ont prétendu attacher à ce monument unique de l’art religieux un sens simplement philosophique, faire de cette Messe une œuvre en dehors de la foi chrétienne, une manifestation de libre examen… (on a été jusque-là !) ; mais ne pas reconnaître l’esprit même du catholicisme dans la tendresse dont sont entourés les personnages divins, dans l’émotion qui accompagne l’énoncé des mystères, c’est faire preuve d’aveuglement… ou d’ignorance.