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LUDWIG VAN BEETHOVEN

récitatif s’impose, alternant avec des ritournelles de style orchestral. Nous avons déjà rencontré (Sonate op. 31, no 2) cette forme de déclamation sans paroles, nous la rencontrerons encore dans les derniers quatuors et la IXe symphonie. Alors, s’élève, dans le ton de la bémol mineur, l’une des plus poignantes expressions de douleur qu’il soit possible d’imaginer. Trop tôt la phrase s’éteint… Elle fait place à la fugue en la bémol (majeur) dont le sujet est établi sur le thème aimable du premier morceau. On dirait un effort de la volonté pour chasser la souffrance. Celle-ci demeure cependant la plus forte. Et la phrase désolée reprend, en sol mineur cette fois. Cette réapparition dans une si lointaine et étrange tonalité, nous transportant dans un lieu si différent de celui où se passe le reste de la sonate, nous fait comme assister aux derniers spasmes d’une implacable agonie morale. Mais la Volonté se roidit contre l’anéantissement, et une série dynamique d’accords de tonique amène le ton de sol majeur, dans lequel la fugue reprend sa marche, mais présentée par mouvement contraire. C’est la résurrection !

Et ici, impossible de méconnaître les intentions de l’auteur qui a écrit, en tête de cette nouvelle apparition du motif de la santé renversé, l’indication : Poi a poi di nuovo vivente, tandis que le second arioso est noté : Perdendo le forze. Oui, les forces reviennent, à mesure qu’on se rapproche du lieu où la santé se faisait musique, c’est-à-dire du ton initial. Enfin, comme conclusion, un chant d’actions de grâces vient amplifier victorieusement la phrase mélodique et clôt triomphalement l’œuvre qui restera un type d’éternelle beauté. — L’op. 110 est daté du « jour de Noël de l’année 1821 ».