Page:D’Indy - Beethoven, Laurens.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
LUDWIG VAN BEETHOVEN

marcher seul. Alors, prenant plus vivement conscience des mouvements joyeux ou douloureux de son âme, c’est lui-même qu’il voudra, non sans hésitations et sans tâtonnements, exprimer dans son art.

Chez les uns, comme Bach ou Haydn, ce sera la tranquillité de l’âme croyante (allemande de la 4e partita pour clavecin de Bach), ou encore la gaieté saine voisine de l’espièglerie (finales de Haydn). Chez d’autres : Beethoven par exemple, ce sera la passion douloureuse ou le sentiment du calme champêtre ; chez tous, ce sera l’essai d’extériorisation par l’œuvre des sentiments créés dans l’âme par les événements de la vie. Période plus particulièrement humaine, à proprement parler, période où le procédé extérieur, l’exécution tient une large place, période de transition où se prépare pour l’artiste l’éclosion définitive de sa personnalité.

À cette manière semblent appartenir, pour ne citer que quelques œuvres, le Convivio de Dante, la Ronde de nuit de Rembrandt, les Concerts de chambre de Bach, Tristan de R. Wagner.

Et enfin, lorsque l’homme de génie, las d’exprimer ses propres joies et ses propres peines, dédaigneux ou peu soucieux des ambiances, saura condenser en lui-même son incessante aspiration vers la pure beauté, ce sera l’instant, pour les très grands, de la transformation suprême, l’instant des œuvres d’Art pur, de Foi et d’Amour.

Telles : la Commedia de Dante, les fresques de la Chapelle de Nicolas V de Fra Angelico, les Syndics de Rembrandt, la Messe en si mineur de Bach, Parsifal de Richard Wagner.