Page:D’Indy - Beethoven, Laurens.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
LUDWIG VAN BEETHOVEN

fique édition Hændel dont Stumpff vient de lui faire hommage, ou encore la collection des premiers lieder de Schubert. Il se régale des friandises que lui apportent ses amis. La soupe de Mme de Breuning, les compotes de Pasqualati, et jusqu’au punch glacé qu’autorise le docteur Malfatti, réconcilié et plus indulgent que les autres aux fantaisies du malade, lui font un peu oublier les « soixante-quinze fioles de médicaments, sans compter les poudres », les bains de vapeurs aromatiques et ces ponctions répétées dont on attend, en vain, un soulagement. Il trouve encore moyen de décocher ses habituelles saillies aux doctes messieurs de la Faculté : « Plaudite, amici, finita est comœdia », dira-t-il, lorsqu’après une longue consultation, il les voit tourner les talons[1]. Il bénit enfin la Philharmonic, dont le royal cadeau de cent livres sterling le délivre des derniers soucis d’argent, et il paraphrase lui-même le chœur de Haendel : De celui qui me rendrait la santé le nom serait Tout-Puissant. Aussi n’est-il pas surpris lorsque son médecin l’avertit que le moment est venu de remplir les derniers devoirs du chrétien. Laissons parler Wawruch : « Il lut mon écrit avec une sérénité admirable, lentement et en pesant chaque mot. Son visage était comme transfiguré. Puis, me serrant la main : Faites mander M. le curé, dit-il, et, avec un sourire amical : Je vous reverrai bientôt… Alors, il retomba dans le silence et dans la méditation. »

  1. V. Wilder et quelques autres biographes ont voulu transposer cette phrase après la réception des derniers sacrements. Il est bien prouvé maintenant que ladite transposition constitue historiquement un faux. Voy. dans Thayer, t. V, p. 485 à 490, le dernier état de la critique allemande sur ce sujet.