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incommode et tout aussi dangereux de le prendre par la queue. Mais passons.

Je prends donc mon magistrat par la tête.

Figurez-vous une tête de grenouille… méridionale, je veux dire pourvue d’un teint basané, posée sans précaution sur un petit, très-petit corps humain, vêtu de noir correctement.

Une cravate blanche a pour mission de cacher aux regards profanes la ligne de démarcation qui sépare le bipède du batracien.

Par le haut, grenouille aux yeux inquiets, fureteurs, saillants d’une façon gênante pour tout le monde, et garçonnet par le bas, tel se manifeste ce magistrat sur lequel j’ai l’honneur d’appeler votre attention.

Où se manifeste-t-il publiquement le plus souvent ? Je vais vous le dire. On le voit, de 6 à 8, tous les soirs, à la table d’hôte du meilleur hôtel d’une petite ville du nord, Houblonkerke, si vous le permettez.

Il exerce près le tribunal de cette ville la profession de juge d’instruction. Tirer les vers du nez des assassins, en gonflant sa gorge de grenouille habile, en faisant rouler des yeux de grenouille bonasse, en coassant sans façon, est sa méthode. Elle n’exclut pas la sévérité, quand le ver est extrait du nez coupable.