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que de l’affectation à rassurer ses interlocuteurs sur ses dispositions à l’égard de la Charte et des libertés publiques. Ses paroles avaient l’air un peu étudiées, mais d’ailleurs enjouées, caressantes. Étaient-elles sincères ? mon père n’en a jamais douté.

Les ordonnances de Juillet ne surprirent pas seulement mon père, elles l’indignèrent. Il aurait toutefois préféré un autre dénoûment à la crise. Le 3 août, il écrivit au lieutenant général du royaume pour l’engager à ne pas porter ses mains sur la couronne et à la placer sur la tête du duc de Bordeaux. Le Roi n’a jamais parlé de cette lettre à mon père, qui a toujours cru cependant qu’elle était parvenue à son adresse. Voici pourquoi : À la sortie de la séance du 9 août, la Reine prit mon père par le bras, et, l’entraînant et le pressant contre elle, se mit à lui parler d’une voix émue et précipitée. Malheureusement les tambours qui battaient aux champs empêchèrent mon père d’entendre cette confidence royale. « … Malgré nous, croyez-le bien, malgré nous, furent les seuls mots qui parvinrent un peu distinctement à son oreille. Il a toujours été persuadé que la Reine, ayant eu connaissance de sa démarche, avait voulu lui expliquer les motifs de la détermination du Roi.

Mon père prêta serment comme pair de France, non sans quelques scrupules que sa raison et son amour du pays firent taire. La veille de la séance, il avait