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Les personnes qui n’avaient pas perdu toute pitié s’empressèrent autour de M. de Fontanes resté comme affaissé sous ces paroles. Pareilles scènes ne peuvent jamais être oubliées de ceux qui les supportent. Ceux qui se les permettent ont-ils plus tard le droit de crier à l’ingratitude ?

Mon père fut nommé, en 1811, candidat au corps législatif pour l’arrondissement de Provins ; il l’apprit par le journal. L’usage voulait qu’on fît des visites aux sénateurs qui choisissaient, parmi les candidats, les députés définitifs ; mon père l’ignorait et n’en fit pas. Les sénateurs crurent qu’il n’avait pas voulu, en sa qualité de chambellan, accomplir cette formalité ; il ne fut pas choisi.

Mon père était de service auprès de l’Empereur quand il partit pour la campagne de Russie. À son retour, dans les circonstances que chacun sait, mon père fut encore désigné. L’Empereur qui avait toutes les espèces de mémoire, lui dit : « Mais vous étiez déjà de service quand je suis parti. » Et puis aussitôt, venant comme à l’ordinaire au faubourg Saint-Germain : « Ils croient avoir des raisons d’être contents dans votre faubourg ; mais ils se trompent encore cette fois ; je rétablirai mes affaires ; j’en ai rétabli de plus difficiles. Au reste, c’est leur intérêt que je réussisse, qu’ils le sachent bien, et qu’ils se conduisent en conséquence. » Depuis ce retour de Russie,