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lui avait adressé tant d’ingénieuses flatteries, devint un jour une de ses victimes. Voici comment et à quelle occasion.

L’Académie avait approuvé et autorisé la lecture en séance publique d’un discours de réception à l’Académie française de M. de Chateaubriand. L’Empereur s’était fait lire dans son cabinet par M. Daru les épreuves de ce discours qui éveillait fort, par avance, la curiosité publique. L’auteur du Génie du christianisme succédant à Chénier y parlait des événements de la Révolution, du jugement et de la condamnation de Louis XVI, d’une manière qui avait profondément irrité l’Empereur. Il avait commencé par exhaler en termes fort amers sa mauvaise humeur contre les membres de l’Académie, qui avaient laissé passer de telles choses sans se douter seulement de leur danger. Il ne pouvait s’en taire avec les personnes de son entourage. Ce fut pendant plusieurs jours l’objet de tous ses entretiens. Mon père a gardé un exact souvenir des paroles dont retentirent alors les Tuileries. « Comment ! je me tue l’âme et le corps pour faire oublier à ce pays les divisions du passé ; je l’ai guéri de la fièvre révolutionnaire en l’enivrant de gloire militaire ; tous mes efforts tendent à faire vivre en paix sous mon sceptre l’ancienne et la nouvelle France. J’ai réuni autour de ma personne des personnes qui naguère se détestaient. Je fais vivre en bonne amitié