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tour et le traitait en toute occasion avec beaucoup d’affabilité. Les personnes qui approchaient l’Empereur félicitaient mon père de cette constante bienveillance qui n’était pas également accordée à tout le monde. Elles s’étonnaient sinon de la familiarité, personne n’en a jamais eu avec lui, du moins de l’aisance avec laquelle mon père soutenait la conversation quand l’Empereur l’entamait. Avec mon père, il la mettait invariablement sur le faubourg Saint-Germain dont mon père commandait en second une légion : « Qu’est-ce que diront de cela vos amis et les belles dames du faubourg ? Elles me détestent bien, n’est-ce pas, sans en rien laisser voir. Comment telle chose se passait-elle dans l’ancienne Cour ? Tous ces vieux usages étaient fort sensés ; ils avaient tous leurs raisons d’être ; j’en ai déjà rétabli beaucoup, je n’en resterai pas là, etc. » Il y avait presque toujours un but facile à discerner dans les moindres paroles de l’Empereur. Il passait d’un sujet à l’autre brusquement, sans transition. Il aimait qu’on le comprît vite, qu’on répondît tout droit à sa pensée. Mon père s’y appliquait, c’était sa seule flatterie. Il n’aurait tenu qu’à lui de croire qu’il avait du crédit, car plusieurs personnes dont il n’aurait jamais pensé qu’il pût être le protecteur, le prièrent d’intercéder pour elles. Une fois ou deux, parlant de gens qui touchaient de près à mon père, et qui avaient demandé des faveurs insignifiantes, l’Empe-