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Bridgewater fut au nombre de ceux qui se signalèrent par leur munificence, non moins que par l’originalité de ses procédés. Les membres du clergé français, particulièrement ceux qui appartenaient aux ordres monastiques, étaient assurés de trouver dans sa splendide résidence de campagne un refuge toujours prêt. Il avait élevé pour eux sur les pelouses de son parc, faisant perspective pour les fenêtres de son château, de jolies chapelles et des habitations élégantes rappelant le style des couvents de France. Capucins, Chartreux, Bénédictins, Camaldules aux longues robes blanches, Franciscains aux pieds déchaussés y étaient hébergés à ses frais. Il y avait toutefois une condition mise à cette hospitalité, condition bien facile à remplir. Quand lord Bridgewater avait du monde au château, le son de la cloche avertissait, à l’heure des repas, tous ces religieux qu’ils devaient sortir de chez eux pour se promener sur les gazons leur bréviaire à la main, et chacun dans le costume de son ordre. Ils faisaient ainsi point de vue dans le paysage, et lord Bridgewater ne manquait pas de faire remarquer que cela était bien plus pittoresque que des troupeaux de moutons ou de daims.

À Londres, un comité anglais avait établi à ses frais un restaurant uniquement destiné aux émigrés français, et qui leur fournissait à des prix fabuleusement réduits une nourriture simple, mais propre et suffisante. La cuisine était à la française. Chefs, mar-