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est un peu novice ; il est sous mes ordres et je le mets sous les vôtres. » Le Major fut ravi de cet arrangement. Quoi qu’il en fût, soit que les dispositions de mon père ne fussent pas parfaites, soit que son Major les ait mal exécutées, ou pour toute autre cause, la position fut enlevée pendant la nuit, et mon père qui occupait un moulin qu’il avait garnisonné de son mieux, en fut délogé assez brusquement, non sans quelques risques personnels. Si l’affaire avait eu lieu de jour, mon père aurait pu dès lors reconnaître celui qui venait ainsi prendre possession de son gîte. Il l’a su depuis et voici comment ; j’étais présent. Nous avions un vieux serviteur pensionné de l’État. Cet homme excellent, nommé Paré, parti de son village en 89 comme soldat, devenu officier, lieutenant, puis capitaine, était revenu, en 1815, épouser la fille de notre concierge du château de Plaisance, et, quittant son uniforme et ses épaulettes, n’avait pas hésité à reprendre, chez nous, sa bêche de jardinier. Quand mes parents vendirent le château de Plaisance pour acheter l’hôtel de la rue Saint-Dominique, il demanda à nous suivre à Paris ; sa femme tenait la porte, il prenait soin du jardin. Un jour un cheval que mon père aimait beaucoup tomba boiteux ; c’était un clou qui lui était entré dans le pied. On eut assez de peine à l’ôter. Tous les gens de la maison s’y employèrent, et le jardinier plus qu’un autre. L’opération finie, « J’ai vu, dit-il à mon père,