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« Eh bien, c’est moi qui suis cette canaille d’aristocrate le ci-devant comte d’Haussonville. » — « Pas possible ! c’est vous qui êtes M. le comte d’Haussonville ! » — Et tout de suite : « Ah ! les vilains ! ah ! les gueux ! ah ! les propres à rien ! les sans-culottes de Montigny et de Donnemarie, avec leurs comités, et leurs clubs, et leurs farandoles d’égalité et de fraternité ! Ce n’est pas eux qui m’auraient tant seulement donné un coup de main, comme vous avez fait, vous qui êtes pourtant un aristocrate et un ci-devant. Ah ! je leur dirai ce que j’en pense, ce soir, à leur comité des sans-culottes. »

Cette rencontre et ces propos avaient beaucoup diverti mon grand-père, qui se plaisait à les raconter, comme un souvenir de cette étrange époque.

Mon grand-père ne prit aucune part aux mouvements politiques des temps qui suivirent, pas même à ceux qui avaient pour but le rappel des Bourbons ; non point qu’il fût indifférent ou timide, mais ayant vu crouler le vieil édifice monarchique qu’il respectait tant, qu’il avait cru si solide, il s’était fait une idée terrible de la force révolutionnaire. Il n’imaginait pas qu’on pût en avoir sitôt raison et n’espérait rien contre elle que de l’effet du temps. Il démêla de bonne heure dans Bonaparte l’homme destiné à livrer bataille à l’anarchie et à en triompher. Les campagnes du jeune général d’Italie excitèrent son admiration. Elle alla tou-