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LE ROI

bien ni le mal ; c’est pour les princes la plus sinistre, car si les rois braves sont grands et si les làches sont infâmes, les chefs inutiles, inférieurs aux méchants, sont la honte des morts eux-mêmes ! Avant de me quitter, enfoncez-vous ce lieu, je vous prie, et gardez-en la mémoire : sont là rangées laines éclatantes, d’azur ou ténébreuses, que vos faits sur la trame soient toujours contés en fils clairs. (La reine secoua la torpeur du prince) Or, plus de paroles ! assez d’avis ! Je vous requiers seulement, dans le monde où vous allez vivre, de penser jour et nuit au travail des « haute-lissières » et qu’après chacun de vos combats vous redescendiez à ces femmes pour connaître sur leur ouvrage votre balance d’honneur. J’entends les trompettes, aou Henric ! est grand temps que partiez. Avancez votre front que je l’embrasse.


Leur baiser dura une vie. À travers la fenêtre, la reine fit un signe. Les clairons sonnèrent.

L’escorte attendait. Il se mit en selle et passa la grille.

Aussi longtemps qu’on put les voir, lui et sa troupe, les femmes ne bougèrent pas le regard dans l’invisible, elles tenaient en leurs mains les flûtes de laine…


Mais comme le prince disparaissait, elles commencèrent ; un fil courut sur les métiers.


FIN DU PREMIER LIVRE