— Glout-à-tout ! té ! té ! petit à petit vient l’appetit.
— Qu’il est beau ! crièrent vingt voix.
Calme comme une génisse empêtrée de chèvres curieuses, la « Terre » souriait aux dames.
Et dès lors la vie du château se groupa autour de son sein.
Cette femme d’un paysan qui, pour tout héritage, n’avait trouvé qu’un nid de bœufs à l’ombre de sa charrue, cette compagnonne du « pauvre laboureur » tint pendant trois ans, pressé contre sa mamelle, l’espoir d’une famille royale, et s’en montra digne. Un rêve de dentelle ennoblissait les salles où cette allaiteuse passait, lente, escortée de dames qui avaient pour mission de la distraire, car la joie fait le lait meilleur. Lorsque cette nourrice, appelée par tous la Terre, chaude, forte, massive et ensoleillée comme un coteau s’asseyait, le groupe des suivantes s’asseyait aussi. Avant que le sein füt donné, c’était une Quercinoise, ou une Basquaise, ou une accorte dame d’Agen, ou d’autres, vives artisanes de Montauban ou de Cahors, qui lotionnaient le mamelon, le plaçaient elles-mêmes sur la langue rose du prince ; et pour le mettre en goût de boire, la « Terre » en faisait jaillir de joyeuses fusées de gouttes. À huit mois, il mordit de deux dents, fines comme des aiguilles. Les dames appelèrent la reine, le vieux roi vint voir, et toute la Gascogne chanta ces perles ! À neuf mois il en eut quatre,