chant, qui soufflait sur la chair en fusion du prince, ou sur un ramassement de souffrance éclatait contre les murailles en aboiments sombres ! À ces cris de douleur, d’autres s’ajoutèrent, tumultueux : Perçant la brouée d’hiver qui couvrait le château royal, une troupe de torches enflamba les noires arcades. Trépignante, une foule s’y anima ; et à poupe, à proue, grinçant et s’assaillant, les hommes des villes et des villettes, les laboureurs, les marchands, les soldats, les femmes et les valets bondirent, un rugissement à la gorge, vers ce roi qui naissait au monde dans un chant ! D’autres clameurs, encore, augmentèrent la hurlée sauvage : les orgueilleux cris terribles de l’accouchée qui battaient sans cesse les murs, le croulement de houle de la foule, aux torches qui traînaient du sang sur les marbres, le refrain de la reine vigoureusement appuyé, bramé, broyé, rejeté en éclats sonores vers les astres ivres énerva partout mille vies cachées ; tout fraternisa vers ce germe qui entrait dans la grande ronde éternelle, vers ce grain d’enfant qui s’ajoutait et se confondait, malgré son titre, à la terre, au rythme commun, à la Vie, et un énorme salut martial monta des alentours du château : Les nobles bœufs, faiseurs de force et de blé, meuglèrent vers la femme en couches et sortirent, se montrèrent dans les jardins ; les écuries, les bergeries, les porcheries ouvertes éveillèrent leurs voix paysannes, ce fut un désordre de foire, un tohu-bohu de bêlées, de rognonnements, de cris aigres ; la grosse vie ani-
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LE ROI