citadins qui gagnaient fortune, et des humbles « travailleurs de bras » dont tout l’espoir était le sol. Chétive ambition. Le clergé, les noblesses de cour et de donjon et les officiers de justice enchenillaient le bien campagnard ; l’an à bout, il ne restait au « pauvre homme » que sa maigre carcasse avec sa charrue, et du grain. Encore était-il rare. On lui avait dit que des Beaucerons chassés dans les bois par la peur des guerres et s’étant procuré — qui savait comment ? — quelques mesures de seigle « s’assemblaient la nuit comme des hiboux, à trois ou quatre, s’attelaient à la charrue et semaient dans l’ombre ce peu de grains ». C’était si lamentable que le roi ne l’avait pas cru, maintenant il croyait. Plusieurs choses apprises quand il était jeune, des dictons surtout, absolus, douloureux et brefs, remontaient du fond. de ses souvenirs : « Le laboureur n’a rien, mais le monde a beaucoup de lois. » On lui avait dit aussi que la France était un grand pré « qui se tondait trois fois l’année ». Ce pré, cependant, le peuple des campagnes le faisait riche. Un autre proverbe affirmait que « l’Empereur d’Allemagne était roi des rois, le roi d’Espagne roi des hommes, et le roi de France roi des bêtes », voulant dire par là que ses laboureurs travaillaient du matin au soir et prêtaient leurs dos sans regimber. Vertu de ma vie ! songea mélancoliquement le Gascon, y aura fort à faire quand je serai chef. (Le cheval allait au pas, monotone, et le roi de plus en plus abaissait son front) Des seigneurs qui
Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/337
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
317
LE ROI