depuis quinze ans, courbatu encore par les estocades du combat d’Ivry, et s’alla promener tout seul en campagne.
Une ferme était sur son chemin. Malgré sa préoccupation, il y entra, dit bonjour à tous, questionna le compère qui venait de semer son orge ; et sans doute qu’il voulait pousser plus loin sa promenade ou isoler sa rêverie, car voyant un cheval au fond du hangar, il l’emprunta.
— C’est un bidet qui sert au moulin, dit le fermier, il est tout vieux os et je n’ai pas de selle.
— Qu’importe ! Tu viendras me le réclamer au camp, dit le roi.
Dehors, il laissa tomber le bridon. Le cheval semblait suivre un sentier connu ; les champs développaient leurs lignes simples, et une bise venteuse nettoyait le gel du matin. Le roi se reprit doucement à rêver.
Après tant de guerres, il devinait enfin ses troupes lasses. Paysannes la plupart, elles avaient le mal du pays. Va-nu-pieds normands, comme on les appelait, Lanturlus bourguignons, Croquants du Poitou commençaient à regarder en arrière entre deux batailles, et regrettaient sans le dire encore leur logis lointain, « le pot, le feu, le chanteau », et leurs bonnes terres arables. Qu’ont-ils à mon service ? songea le roi : des coups, un étendard qui ne les chauffe pas en hiver et une gloire malaisée à mettre en marmite. Promenant toujours la tête basse, il réfléchissait à la différence des