Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
285
LE ROI

telles remettaient le roi dans son habitude, en sa coutumière santé qui était d’agir ; cet esprit toujours en affaires ne pouvait garder la mélancolie ; s’arrête-t-il des corbeaux sur les ailes d’un moulin en marche ? Comment un pareil chef n’eût-il pas été en perpétuelle bonne humeur, au milieu d’une armée où se rencontraient sans se confondre les Picards mobiles et les hauts Normands, l’Angoumois dur à la main « et faisant un peu le gentilhomme », la Champagne fidèle, l’entreprenante Bretagne, les gens de la Marche et du Limousin, réfléchis et adroits, les Landais éleveurs d’abeilles, le Médoc ombrageux, les Périgourdins « de vie gaillarde pour leur naturelle sobriété », l’agréable Agenois et le Béarn turbulent, Montpellier amoureuse, les gesticulations du Languedoc, l’éloquence Provençale, Lyon sans cesse en révolte, les Dauphinois vifs et polis, l’Auvergne rudanière, âpre, tenace, et les Bourguignons affaireux ? Dans cette foule compacte, aux bigarrures diverses mais marquée du fort sceau gaulois, chaque douleur riait à l’envers, chaque drame montrait sa face de drôlerie : le héros de Béziers qui s’était si sublimement ouvert le ventre « pour ne plus tousser » fut reconnu par le roi comme il s’échappait d’une auberge, à peu près guéri de son affreuse blessure.

— Hé, compagnon !

Le soldat fit mine de s’enfuir. Mais le roi le joignit, le colleta, s’aperçut qu’il puait bouteille et lui appliqua une main sur la bouche.