Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
L’ENFANT

(il désigna le campement) Votre garde est prête déjà.

Debout, elle regarda encore sa famille. Une odeur d’ail fuyait des pots qui ronflaient, les juments broutaient les luzernes et les selles pendaient aux arbres. Le camp semblait une mère assise, qui attendait. Et la reine partit avec ses pensées…

Ce fut à Compiègne, le 15 novembre, qu’elle salua le roi son mari. L’armée en armes, enseignes déployées, tambourins sonnants, honora cette reine qui allait porter sa douleur, faire ses couches à l’autre bout de la France pour donner un prince aux Gascons et une fleur de plus aux campagnes de la patrie. Elle passa, première, débarrassée de ses armes, vêtue de futaine comme la plus humble basquaise, en coiffe cornue, le ventre, le nid où dormait l’enfant protégé par un coussinet sur la selle, et suivie de tous ses « bérets ». La longue famille gasconne, à cheval, défila derrière sa reine, les vieux devant, les jeunes ensuite, le tout tumultueux, gai, narquois, petit, noir : une abeille lente escortée de mille grillons. Ce fut doux comme le voyage sacré. Attentive à ces images qui fondaient au loin, l’armée peu à peu tut ses tambourins, ses murmures. Devant la majesté grave de ce départ, tout fit silence, — et sous un ciel qui semblait d’Égypte, la Femme-à-l’Enfant et la caravane disparurent.