naturelle, soutenait la charge, haussait les épées, ramassait les nerfs, brûlait le sang et mettait les âmes en branle. Peu à peu la trouée devenait plus large ; chaque pas des royaux enlevait un lopin d’escouade aux godfordom lansquenets qui songèrent bientôt à fuir ; un signe courut leurs rangs, les derniers reculèrent et la peur gagna. « Boute ! hurla le Gascon. Aux figures ! l’engrais d’Arques ne sera point cher cette année ! » Le cercueil béant sautait les cadavres, éventré de coups de lances, hérissé d’échardes ; et miraculeusement sauf, écorniflé d’un seul plomb, galopant sur la débande comme si son mort le poussait, le cheval tel un vent altier s’engouffra de ses quatre fers dans la chapelle conquise ! Derrière lui, le roi parut ; ensuite vinrent les troupes. Le cercueil défait et posé à terre, chacun se laissa souffler ; assis entre les colonnes, les soldats défirent leurs agrafes, comptèrent leurs blessures, et on déplia les sacs pour dîner. Le roi qui songeait devant le cercueil releva enfin sa tête nue : « Faut faire à M. le mestre de camp qui est ici un cercueil plus noble. Gens de son bataillon, répondez ; Avait-il famille ? » — « Sa mère. » — « La bonne et honnête femme est-elle àgée ? » — Je connais pour avoir été son valet, dit un anspessade, que notre ancien capitaine avait vingt-trois ans, et que sa mère n’en a pas quarante. » — « Or bien, dit le roi, elle peut encore en faire un pareil ; Rosny, tu donneras au ventre la pension du fils ».
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LE ROI