quatre mille têtes, pour voir… Trois cris de bronze retentirent ; une puissante fumée roula, et on aperçut dans les bataillons de Joyeuse trois passages clairs et profonds, déserts comme rues d’Afrique à midi. Un second feu ! cria le roi. Trois autres volées portèrent le nombre à six rues où pouvaient passer les charrettes ; et les suivantes, bientôt, y creusèrent un quartier tragique, de neuf rues vermeilles, que couvrit un tapis vivant de chair rouge.
Là-bas, dans l’armée ennemie, Lavardin criait à Joyeuse :
— Monsieur ! Vous laisserez-vous détruire de pied coi ? il faut jouer !
— Attaquons, Beaumanoir !
Et l’armée partit.
Cette charge de l’avant-garde qui emmenait avec elle une foule énorme de chevau-légers et d’Albanais soutenus de quatre cents lances accourut au roi de Navarre, culbuta les enfants perdus de Vignolles, fendit sous le grand train de sa galopade furieuse les escadrons de La Trémouille, et ne put s’arrêter, pantelante, qu’au bourg de Coutras, au milieu du parc à bagages. Le Gascon qui avait pâli remarqua que les Albanais, comme à Fornoue, se mettaient à piller les morts sans plus songer à la lutte ; un terrible rire méprisant rebroussa sa barbe.
— Salignac et Parabère ! hurla-t-il, alerte ! veillez vos arquebusiers !
La double masse ennemie s’avança contre la