Le soir, au signal des chefs, une martiale sonnerie
se mêla aux grands bourdons rauqués : tambours
et fifres sonnèrent la « française », et tout
s’ébranla. Neuf régiments partirent, groupés en
compagnies de deux cents, les hommes cinq par
cinq, jarrets tendus, leurs piques étincelantes
redressées. La foule, silencieuse regardait ces milliers
d’enfants qui allaient conquérir la paix par
les armes et s’acheminaient à la mort, une miche
dans le bissac, comme rémouleurs à la foire. Les
femmes enthousiasmées leur lançaient des pots
de confits, des pans de lard, de légères crêpes
gasconnes qui papillonnaient comme des mousselines,
les soldats leur renvoyaient des baisers.
Jamais on n’avait vu troupes si hardies. Dans
chaque régiment, d’abord, la compagnie d’arquebusiers
d’avant-garde, les tambours, le tiers des
piques. Intervalle. Puis le colonel, « visage gracieux
et découvert », le panache au casque et
l’épée en main, son second le sergent-major ; ensuite
la masse des piquiers avec les enseignes,
d’autres tambours, une compagnie et demie d’arquebusiers,
les bagages en queue. Ces régiments
traversèrent la ville, suivis des cavaliers, des canons.
Les rues étroites ne pouvant contenir la