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LE ROI

« Fuir pour mieux revenir. » Les laines scintillaient de virginité.

— Ma vie, rêvait le roi immobile.

Pâle, ses yeux erraient sur les six tableaux, le long des six années qu’il venait de vivre, et le dernier conseil de la reine chuchotait tout bas à son âme : « Je vous requiers seulement, mon fils, de penser jour et nuit au travail des haute-lissières, et qu’après chacun de vos actes vous redescendiez à ces femmes pour connaître sur leur ouvrage votre balance d’honneur. »

— J’ai beau regarder, se dit-il, je ne vois là que tableaux grandioses, postures orgueilleuses, laines vermeilles.

Le visage approché des trames, il scruta en détail les tapisseries.

— Je n’ai done commis aucune faute ! Ma peur à Jarnac, mon cocuage, mon exil à la cour de France, mon doute religieux, mes ambitions de conspirateur, ma fuite, tout cela s’est-il pu passer sans qu’une tare…

— Sire, interrompit d’Aubigné, qu’est ceci ?

Sa main, sur le front du roi, désignait une tache de laine noire qui semblait un trou. C’était dans le tableau de l’étude qui le représentait assis au milieu des livres.

— Me semble, murmura le roi, que pendant ces ans de labeur je demeurai digne de mes anciens maîtres, j’instruisis mon intelligence et haussai mon âme.