Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
L’HOMME

Morne, il assista au départ des chiens accouplés, des piqueurs, et lorsque les bruits de la chasse, décroissants, se furent tout à fait éteints. dans le bois, d’un geste imprudemment vif il s’approcha d’un carrosse.

— Sire, dit une voix inquiète, vous n’êtes pas à votre habitude ce matin, vos regards…

— C’est la fatigue. Las ! Depuis trois longs ans, je n’ai pu sommeiller en paix la moindre goutte de nuit. Votre main sur mon bras, dame vermeille.

La blonde de Sauve toucha le sol, regarda la neige :

— Les beaux tapis blanes, sire, courons y emmêler de poudre nos souliers !

— Vous n’aurez point froid ?

— Vos yeux amoureux me seront buchettes d’hiver.

Appuyée sur un doigt du roi, par-dessus les flocons de neige elle découvrait ses chevilles, l’éclair gris d’un bas bien tendu, de soie de Naples, et mordillait, coquette, ses gants chiquetés. Une robe de toile d’argent l’idéalisait.

— Vous semblez, m’amie, habillée de gel ; qu’au moins, sourit-il, ce frimas jamais ne vous pénètre, surtout lorsque je n’y serai plus.

Elle se pressa sur le sein du roi, toute blanche, plus blanche que le grésil et l’argent, et un stalactite lui roula des cils.

— Je devine ! Expliquez-moi !… Vos airs chagrins me mettent au mourir ! Qu’avez-vous ?