si grossière que son crucifix d’étain rasait le sol.
Le prince devenu rêveur n’écoutait plus d’Aubigné.
Ce chapelet qui faisait, lui aussi, sa ronde, cette image humaine traînante qui touchait les hideurs, trempait dans les blessures, promenait son sourire le long des morts, ce rosaire de fraternité l’étonna en l’épouvantant. Qu’indiquaient ces grains enfilés ? La vie ? la mort ? La jambe d’un cadavre qui raidissait en l’air une botte gluante les arrêta. « Rue du Crucifix. » Les chevaux repartaient, lorsque tout à coup le prince tendit l’oreille. Choc. L’éperon du mort avait accroché la patenôtre : deux boules s’égrenèrent.
Il eût pu se pencher, saisir le chapelet, refaire un nœud, une force rabattit ses mains qui se décroisaient. Trois autres boules, détachées, roulèrent sur un dos, deux disparurent, et la dernière, lente, fondit dans une plaie. Il passa.
Les boules tombaient toujours. Il songeait, en les regardant, aux vengeresses paroles de d’Aubigné, tandis que lui, soldat, réclamait la paix religieuse. Mais où était-elle, cette paix ? vers quels horizons ? — Sous les armes du Père ? dans les bras du Fils ? — Non. Ils ne s’entendaient pas eux-mêmes. Ennemis ! ce père, ce fils. étaient ennemis ! Ils brandissaient leurs Testaments, l’ancien contre le nouveau, l’évangile écosuré par les massacres bibliques, et cependant c’était pour eux, pour ce Père et ce Fils, que des peuples défraternisés s’égorgeaient. Donc, qui croire ?