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ci ce qu’en dit cet Auteur. L’amiral de Bonnivet conſeilla lui ſeul à François I de paſſer les Monts … ; non tant pour le Bien & Service de ſon Maître, que pour aller revoir une grande Dame de Milan & des plus belles, qu’il avoit faite pour Maitreſſe quelques Années avant, & en avoit tiré Plaiſir, & en vouloit retaſter. J’ai ouï dire, pourſuit-il, ce Conte à une grande Dame de ce Tems-là & même qu’il avoit fait au Roi cas de cette Dame, qu’on dit qui s’appelloit la Signora Clarice, pour lors eſtimée des plus belles de l’Italie. Il lui en avoit fait venir l’Envie de la voir, & de coucher avec elle : & voilà la principale Cauſe de ce Paſſage du Roi, qui n’eſt à tous connue. Ainſi, la Moitié du Monde ne ſçait comment l’autre vît ; car, nous cuidons la Choſe d’une Façon, qui eſt de l’autre. Ainſi, Dieu, qui ſçait tout, ſe moque bien de nous[1].

Ne voilà-t-il pas, Madame, un beau Motif, pour faire périr tant de malheureux Soldats, pour ruiner ſes Peuples par des Impôts, & pour réduire un Roïaume à deux Doits de ſa Perte, que celui de vouloir coucher avec la Signora Cla-

  1. Brantome, Mémoires des Capitaines François, Tome I, pag. 108, 109.