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donne à une Bête un Ame capable de Raiſon, & qu’on lui faſſe connoître les Miſteres les plus cachés de la Religion. Dès qu’on veut me perſuader, que l’Enfant Jéſus vient jouër à la Foſſette, à Colin-Maillard, ou à Pette-en-Gueule, je crois tout poſſible.

Vous voïez aiſément, Madame, que de pareils Miracles n’ont pas beſoin d’être réfutez pour paroître évidemment faux. Ils portent avec eux le Caractere d’Impoſture. Eſt-il rien de ſi abſurde, rien de ſi contraire à la Religion, à la Spiritualité de notre Ame, que d’accorder aux Bêtes la Raiſon & la Connoiſſance de la Divinité, qui ſont les ſeules Choſes, qui nous diſtinguent d’elles ? Ces Chimeres ſont cependant moins étonnantes & moins ſcandaleuſes, que ne l’eſt le Perſonnage qu’on fait jouër à quelques Saints. Je ne crois pas que la Superſtition Idolatre, que l’Impiété du Paganisme, ait jamais prêté à Vénus l’Emploi qu’un Moine Allemand[1] donne à la Ste. Vierge. Il raconte, qu’un Prêtre, aïant enlevé une certaine Béatrix, Portiere d’un Couvent de Re-

  1. Cesarius.