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que quiconque les lit, malheureuſement, avec quelque Croïance, eſt pour jamais égaré du Chemin de la Vérité. Ceux-même, qui ont écrit le plus purement, & avec le plus de Retenue[1], ont été obligés de mentir dans bien des Endroits. Leur État, leur Engagement, leur Religion, la Gêne où les réduiſoient leurs Supérieurs, les a forcés à déguiſer, à changer, & à affoiblir bien des Faits. Quelques-uns même ont pouſſé la Partialité ſi loin, que la Louange, & la Tournure, qu’ils ont voulu donner à quelques Evénemens occaſionnez par leurs Ordres, les a contraints de ſortir du Roïaume, pour éviter la juſte Indignation des Magiſtrats[2]. Ces Ecrivains, cependant, ont relevé par des grands Talens leur peu d’Exactitude ſur bien des Faits. Dans tout ce qui ne regarde, ni leur Ordre, ni leur Parti, ils ont montré un grand Diſcernement, & beaucoup de Génie. Mais, il eſt une Foule de mauvais Ecrivains, que les Couvents &

  1. Les Peres Daniel, & d’Orleans.
  2. Le Pere Jouvenci, obligé de ſe retirer à Rome, à cauſe de ſon Hiſtoire des Jéſuites, écrite en fort beau Latin.