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puis quelques Siécles ont diviſé l’Europe, ont jetté autant de Confuſion dans l’Hiſtoire moderne, que l’Antiquité en a apporté dans l’ancienne. Dès qu’un Auteur Catholique écrit quelques Hiſtoires[1], elles ſont auſſitôt démenties par des Proteſtans, Luthériens[2], ou Réformez[3]. Les mêmes Faits, les mêmes Evénemens, deviennent tout différens. Les Caracteres des Perſonnes ſont entiérement diſſemblables. Chacun veut avoir le Droit, la Raiſon, & la Vérité, de ſon Parti : chacun allégue un Nombre d’Ecrivains qui autoriſent ſon Sentiment. Un Auteur, qu’on contredit, en appelle à la Prudence de ſon Lecteur. Il ſe récrie contre la Mauvaiſe-Foi de ſon Adverſaire : il lui dit magiſtralement des Injures, qui ne ſervent point à éclaircir la Diſpute ; & l’on eſt auſſi peu avancé, lorſqu’on a lû tout l’Ouvrage, qu’avant que d’y avoir jetté les Yeux[4]. Il y a

  1. Hiſtoires du Luthéranisme & du Calvinisme, par Maimbourg
  2. Seckendorf.
  3. Bayle & Jurieu.
  4. « L’on a cette Incommodité à eſſuïer dans la Lecture des Livres faits par des Gens de Parti & de Cabale, que l’on n’y voit pas la Verité.