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virent les Actions de quelques Perſonnages illuſtres, les accommodèrent au Gout du Roman. De-là ſont venus les Hiſtoires incroïables de Renaud, d’Armide, &c, renouvellées de nos jours par les Poëtes Italiens.

Voici comment parle un célébre Théologien ſur le Gout qui regnoit dans ces Siecles-là. Cétoit le Défaut, ou plutôt la Simplicité groſſiere, de pluſieurs de nos Anciens, de s’imaginer, qu’en écrivant les Actions des Perſonnes illuſtres, ils ne ſeraient point éloquens, ſi, pour l’Ornement du Diſcours, comme ils ſe le figuroient, ils ne méloient dans leurs Ouvrages des Fictions Poëtiques, ou quelque choſe de ſemblable ; &, par conſéquent, le Menſonge avec la Vérit[1]. La Croïance des Prodiges & des Evénemens miraculeux avoit ſaiſi ſi fort l’Imagination des Peuples, & les portoit à de ſi grandes Extravagances, que, dans le neuvième Siecle[2], Agobard, Evêque de Lion, compoſa un

  1. Hoc erat Antiquorum plurimorum Vitium, vel potius quædam ſine judicio Simplicitas, ut in clarorum Virorum Geſtis ſcribendis ſe minus exiſtimarent elegantes, niſi ad Ornatum, ut putabant, Sermonis Poëticas Fictiones, vel aliquid earum ſimile, admiſcerent, & conſequenter Vera Falſis committerent.
  2. L’An 833.