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toriens Catholiques ſont remplis de Puérilitez & de pieuſes Chimeres, qui rendent leurs Ouvrages mépriſables aux Gens de Sens : &, en cela, les François ſemblent le diſputer aux Eſpagnols ; car, il eſt auſſi ridicule de dire, que les Murailles d’Angoulême, ſous le Regne de Clovis I, s’abbattirent tout-à-coup par la Venu d’une petite Phiole[1], que de faire arrêter le Soleil pendant la Durée d’une Bataille contre les Proteſtans.

Les Ecrivains, qui nous ont tranſmis les Hiſtoires des Croiſades, les ont remplies de tant de Miracles, & ſi contraires à la Raiſon, qu’il eſt inutile de vouloir en montrer la Fauſſeté & le Ridicule. Qui peut croire, que des Bataillons Céleſtes, vêtus de blanc, ſoient deſcendus du Ciel pour aider des Gens, dont la prémiere Intention étoit bonne, mais dont les Actions pour y parvenir étoient ſi terribles, qu’ils ſe ſouilloient la plûpart, ſans Crainte & ſans Remors, des plus grands Crimes ? Les Peuples, qui vivoient dans ces Tems-là, avoient l’Eſprit rempli d’Enchantemens, de Prodiges, de Sortileges, & des Miracles. C’étoit le Gout du Siècle : & les Auteurs, qui écri-

  1. Vossius de Hiſtoricis Latinis, pag. 93.