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dont il l’avoit comblé. Ils ont même voulu faire ſervir l’Ecriture à fortifier leur-Opinion : & ils ont expliqué en leur faveur ce Paſſage de la Geneſe, où il eſt dit expreſſement, que les Fils de Noé ſe partagèrent les Nations après le Déluge[1]. Il paroît par-là, que les Enfans de Noé n’avoient pas ſeulement diviſé la Terre entre eux, mais encor les Nations qui l’habitoient, & dont ils devoient faire la Conquête.

En effet, l’Hiſtoire des Nations eſt contraire à cette Inondation générale de toute la Terre. On trouve, dans les Tems les plus voiſins du Déluge, pluſieurs grands Empires formez, & exceſſivement peuplez, la Syrie, la Chine, l’Egypte, l’Ethiopie, &c. Il eſt impoſſible, que ſept ou huit Perſonnes, dans l’Eſpace de trois cent, & même de cent cinquante Ans, ſi l’on veut pouſſer les choſes à l’étroite Rigueur, puiſſent peupler d’auſſi vaſtes Provinces que les Païs, que le Tigre & l’Euphrate parcourent, & qui furent habitées par les Enfans de Noé.

Sans avoir égard aux fabuleuſes Chroniques des Egyptiens, qui ſont re-

  1. ab his diviſæ sunt gentes in terra post diluvium Geneſ. X, 92.