Page:D’Argens - La philosophie du bon sens.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quelques Ecrivains ont ſoutenu, que le Déluge n’avoit point été univerſel[1], & que Dieu n’avoit eu que l’Intention de punir un Peuple ingrat aux Bontez

    s’élargit à meſure qu’il s’éleve, il faudroit douze ou quinze fois autant d’eau que la Terre dans la Quantité marquée par l’Ecriture : & comme elle ne rapporte que des Moïens naturels, ſavoir l’Ouverture de l’Abîme, & la Chûte des Pluies, elle prévient : à ce qu’on prétend, la Réponſe qu’on pourroit faire, en diſant que Dieu créa pour l’Exécution de cette Ruine, une nouvelle Quantité d’Eaux, qu’il anéantit enſuite. Il ne ſe ſervit, ſelon l’Ecriture, que du Vent pour les deſſécher. Ainſi, il y a lieu de croire, que le Moïen, qu’il a pris pour les répandre ſur la Terre, n’étoit pas moins naturel. » Lenglet, là-même, pag. 187.

  1. Ils ſoutiennent, qu’il étoit impoſſible que les Pluies aïent été aſſez abondantes, pour cauſer un pareil Effet. Ils appuient leurs Sentimens de l’Opinion d’un fameux Philoſophe*, qui prouve, par des Démonſtrations exactes, que les Orages les plus violens ne verſent qu’un Pouce & demi d’Eau par Demi-Heure ; ce qui fait ſix Pieds dans un Jour. Et le Déluge n’aïant duré que quarante fois vingt-quatre Heures, en ſuppoſant les plus hautes Montagnes à deux mille Pas d’Elévation, qui eſt un Tiers moins que leur Hauteur, il faudroit, non pour les ſurmonter, mais même pour les égaler, que le Ciel eut verſé en vingt-quatre Heures cent vingt-cinq Pieds d’Eau, au lieu de ſix qu’il verſe dans les plus grands Orages ; ce qui excede la Poſſibilité de la Nature. »Lettres Juives, Tom. II, Lettre XXXV, pag.36, 37.

    *. Le pere Mersenne.