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nous conduire, ne ſauroit nous tromper dans les Choſes qu’elle apperçoit & qu’elle diſtingue évidemment[1]. Car, ſi ce Diſcernement & cette Faculté de concevoir nous trompoit, Dieu ſeroit lui-même un Trompeur, qui nous préſenterois le Faux ſous les Apparences du Vrai. Notre Raiſon ne nous ſerviroit plus à aucun Uſage : elle ſeroit un Don pernicieux, qui tendroit plûtôt à nous égarer, qu’à nous conduire[2]. Or, vous ſentez parfaitement, Madame, que Dieu ne peut nous tromper. La Fourbe, & l’Injuſtice, ſont des Attri-

  1. « La Faculté qu’il nous a donnée, que nous appelions Lumiere Naturelle, n’apperçoit jamais aucun Object, qui ne ſoit vrai en ce qu’elle apperçoit, c’eſt-à-dire en ce qu’elle connoit clairement & diſtinctement : pour ce que nous aurions ſujet de croire, que Dieu ſeroit trompeur, s’il nous l’avoit donné telle que nous priſſions le Faux pour le Vrai, lorsque nous en uſons bien. » Des-Cartes, Principes de la Philoſophie, I Part. pag. 22.
  2. « Notre Raiſon eſt un Don de Dieu, & qui ne ſauroit nous tromper. C’eſt un Preſent, qu’il nous a fait, pour nous donner le Moïen de le connoitre & le ſervir. Si cette Raiſon, dans les Choſes évidentes, nous égaroit, Dieu nous tromperoit ; ce qui ne peut ſe ſourenir, Dieu étant la Vérité même. » Lettres Juives, Lettre, XXXIII pag. 18.