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Critique. Ceux, qui ont lû Montagne, ſavent, que cet Auteur affectoit de paſſer pour Pyrrhonien, & qu’il faiſoit Gloire de douter de tout. Je demande, ſi l’on eſt en Droit de trouver mauvais, qu’un Homme, qui doute, témoigne de l’Incertitude ; & ſi c’eſt un Défaut à quiconque cherche la Vérité de balancer ſon Opinion, & d’éxaminer les différens Sentimens, avant de ſe déterminer, & d’en adopter quelqu’un ? Car, c’étoit à cette ſage Précaution, que ſe réduiſoit le Pyrrhonisme de Montagne. Tout le Monde peut s’en éclaircir, en liſant ſes Ouvrages : & il faut être aveuglé par ſa Paſſion, ou conduit par la Mauvaife-Foi, pour ſoutenir que Montagne ait jamais eu l’Idée de ſoutenir la ridicule Opinion des anciens Pyrrhoniens. Eſt-ce réduire la Philoſophie à la ſeule Qualité de douter de tout, que de dire qu’Elle nous inſtruit de tout, & que l’Enfance y a ſes Leçons comme les autres Ages[1] ? Eſt-ce n’être certain de rien, que d’aſſurer, que la Philoſophie nous rend vertueux, & que la Vertu eſt le ſouverain Bien ? La Science, dit Montagne, a pour

  1. Montagne, Eſſais, Livr. I, Chap. XXV, pag. 281.