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des Choſes, mais nous ſommes même, pour ce qui nous regarde, dans une parfaite Ignorance. Nous ne connoiſſons évidemment, que les Choſes qui nous ſont néceſſaires pour la Conduite de notre Vie, & pour la Regle de nos Actions. Il ſemble que la Divinité n’ait borné ſi fort notre Entendement, que pour nous donner plus lieu de nous défier de nous-mêmes & des autres. Elle nous a accordé la Raiſon, & elle y a attaché, non pas le Privilege de découvrir les Secrets des Cauſes & des Choſes, mais le Moïen de diſtinguer le Vrai qui nous eſt connu, d’avec le Mal que nous connoiſſons : enſorte que, ſi la Lumière Naturelle ne nous développe pas certains Miſteres cachés, elle nous empêche pourtant d’accorder notre Croïance à bien des Fauſſetez ; pourvû que nous voulions en faire uſage, & ne point nous laiſſer éblouïr par l’Autorité de ceux qui nous parlent. Des Gens d’un vaſte Génie tombent quelquefois eux-mêmes dans le Défaut de la Préoccupation, & adoptent pour des Véritez évidentes des Conjectures fauſſes ou douteuſes[1].

  1. Aristotelis Docrtrina eſt ſumma Veritas,