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d’étouffer leurs Remords : ce ſont des Philoſophes, qui tâchent, au contraire, de ſe convaincre de ſon Immortalité. Je me plais, dit Cicéron, à croire l’Ame immortelle ; & ſi elle ne l’eſt point, je veux toujours tacher de me le perſuader[1]. Seneque nous apprend, qu’il ſe ſatiſfaiſoit lui-même, en philoſophant & méditant ſur l’Eternité de l’Ame, & qu’il adoptoit le Sentiment de pluſieurs Grands-Hommes, qui prouvoient moins une Doctrine auſſi ſatiſfaiſante, qu’ils ne la promettoient[2].

Les Hommes n’agiſſent pas toujours conformement à leur Croïance. Quelques-uns d’entre eux, qui ont cru l’Ame mortelle, ont été vertueux ; & quelques autres, qui croïoient qu’elle étoit immortelle, ont étonné l’Univers par leurs Crimes, & foulé aux Pieds toutes les Loix Divines & Humaines. Catilina avoit élevé dans ſa Maiſon un Autel à une Aigle à laquelle il ſacrifioit avec beaucoup de

  1. Me verò delectat, idque primùm ita eſſe ; deinde etiam, ſi non ſit, mihi tamen perſuaderi velim. Cicero. Tuſculanar. Quæſt. Libr. I.
  2. Juvabat me de Æternitate Animarum quærere, imò me hercule credere. Credebam enim facilè Opinionibus magnorum Virorum gratiſſimam promitentium magis quam probantium. Senaca, Epiſt. CII