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plûtôt en Eſclaves, qu’en Hommes libres, & douez de la Raiſon, qui nous fait aimer la Vertu par rapport à elle-même comme étant le Bien le plus parfait qu’on puiſſe acquérir. Mais, je penſe auſſi, & l’Expérience certifie tous les jours mon Sentiment, que, parmi les Gens d’un certain Rang, la Croïance de l’Immortalité de l’Ame n’eſt point un Attribut qui leur ſoit néceſſaire, pour devenir ou pour être honnête Homme.

Bien des Héros, des Philoſophes, des Poëtes, qui ont cru la Mortalité de l’Ame, ont ſouhaité ardemment d’immortaliſer leur Nom. Ce Deſir ſuffit pour exciter à la Gloire & à la Vertu. Epicure, qui fut un des plus grands Adverſaires de l’Immortalité de l’Ame, fut auſſi un des Philoſophes anciens qui vécut le plus éxemplairement. La Régularité de ſes Mœurs, ſa Candeur, ſa Probité, forcérent les Stoïciens d’avouër, que ſa Morale n’avoit rien que d’épuré. Seneque, nourri & élevé dans une Secte toujours oppoſée à celle que forma Epicure, a rendu Juſtice au Mérite de ce Philoſophe, & à l’Excellence