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ſance pour créer un Etre, que pour l’annihiller, & que Dieu ait appris à certains Philoſophes, & particulierement aux Cartéſiens, juſqu’où va ſa Puiſſance. S’ils n’ont donc de Connoiſſance de l’Immortalité de l’Ame que par la Révélation, ils ne ſont point fondez de vouloir ne la prouver que par des Raiſons uniquement appuïées ſur la Lumiere Naturelle. Je crois auſſi-bien qu’eux l’Immortalité de l’Ame : mais, je ſoutiens, qu’on ne peut la démontrer par des Preuves évidentes, lorſqu’on ne veut ſe ſervir que de celles que nous donne la Raiſon. Si j’examine attentivement la Nature de l’Ame, loin qu’elle me perſuade qu’elle doive être éternelle, elle ſemble au contraire m’annoncer la Poſſibilité de ſa Fin. Je vois l’Ame quelquefois reſter pendant long-tems ſans agir, ſans penſer ; & je conclus de-là, que ſi elle peut reſter quelques Heures ſans penſer, ſans avoir aucune Connoiſſance d’elle-même, elle peut dans la ſuite du Tems reſter éternellement dans cette Létargie mortelle.

Il me ſemble, Madame, que j’entends déjà frémir tous les Cartéſiens. Quoi diront-ils, l’Ame ceſſe quelquefois de penſer ? Vous avancez-là une plaiſante Abſur-